Post by Philippe SteffBonjour,
La position de la CJCE est-elle si claire sur ce point ?
Bien cordialement,
Philippe Steff
A mon humble avis, oui. La loi française n'est pas claire, comme
d'habitude. Mais la position de l'Europe me semble relativement claire,
elle.
C'est un point assez discuté. Mais, dans ces situations, je choisis
toujours la voie de la prudence. A la fin, c'est en général en faveur du
salarié que tout est tranché...
La loi Aubry a défini le temps de travail (donc le temps de repos), et
l'astreinte. La directive européenne sur le temps de travail (1993-104)
dit que ce qui n'est pas du temps de travail est du repos. Notre code du
travail dit que l'astreinte n'est pas du temps de travail. Donc
l'astreinte serait du repos. C'est la position, en général, du patronat
français, et parfois même du législateur ou des autorités : Notre code
serait conforme à la legislation européenne.
Mais la legislation européenne ne connait pas l'astreinte. Elle ne dit
nulle part que c'est du "non-travail". Et c'est une directive de
l'employeur qui place le salarié en astreinte. La loi française ne
serait donc pas conforme, telle quelle, à la legislation européenne : Il
manque une restriction.
La CJCE dans une décision du 9 Septembre 2003 indique que les membres de
l'UE n'ont pas les mains libres sur la définition du temps de travail.
C'est celle de l'Europe qui prime. C'est une question de droit à la
santé. Elle indique que le temps de travail est "toute période durant
laquelle le travailleur est au travail, à la disposition de l'employeur
et dans l'exercice de son activité ou de ses fonctions [...] et que la
même notion doit être appréhendée par opposition à la période de repos,
ces deux notions étant exclusives l'une de l'autre".
Il n'y a pas de distinction "sur le lieu de travail" ou "hors du lieu de
travail" (même si on peut discuter sur le flou de la formulation).
L'astreinte, prévue au contrat ou à la convention, serait donc un
travail (avec toutefois la liberté pour les états membres d'en faire un
travail moins "rémunéré" ou compensé par du repos - pas de rémunération
minimale européenne). Plus loin, on peut lire "...il y a lieu de
considérer ces obligations, qui mettent les (salariés) concernés dans
l'impossibilité de choisir leur lieu de séjour pendant les périodes
d'attente, comme relevant de l'exercice de leur fonction".
Donc, pas du repos si on ne peut pas se déplacer à sa guise.
Notre propre cour de cassation suit généralement aussi ce raisonnement.
Dans un arrêt du 2 Juillet 2002, on peut lire : "Les périodes
dastreintes, si elles ne constituent pas un temps de travail effectif
durant les périodes où le salarié nest pas tenu dintervenir au service
de lemployeur, ne peuvent être considérées comme un temps de repos,
lequel suppose que le salarié soit totalement dispensé directement ou
indirectement, sauf cas exceptionnels, daccomplir pour son employeur
une prestation de travail même si elle nest quéventuelle ou
occasionnelle ; il en résulte quun salarié ne bénéficie pas de son
repos hebdomadaire lorsquil est dastreinte."
Elle a eu plusieurs fois l'occasion de confirmer, voire de durcir, cette
interprétation. Dans un arrêt du 9 Novembre 2010, par exemple, elle
explique qu'une astreinte continue 7j/7 n'est plus une astreinte, donc
du travail effectif.
--
Xavier Hugonet