Je pensais que lexécution provisoire sur les salaires, CP et
indemnités de licenciement est de droit même si ce n'est pas indiqué
dans le jugement (Article R1454-28 du code du travail); dans la limite
de 9 mois de salaire?
Je n'avais pas relevé la référence à la nature des sommes concernées dans
votre question initiale.
Si on prend l'article que vous citez au pied de la lettre, et pour les
sommes concernées, vous avez raison.
Dans les faits, ma réponse reste quelque peu valide. Il faut quand même en
faire la demande lors du procès, et faire en sorte que les juges ordonnent
l'execution explicitement dans leur jugement en indiquant les sommes
concernées. D'une manière générale, il faut toujours demander,
explicitement et de manière très précise, tout ce que l'on veut obtenir au
moment de l'audience. Je m'explique :
En l'absence d'execution provisoire précisément ordonnée dans le jugement,
l'ex-employeur aigri ou amoureux de procédures dilatoires (comme semble
l'être celui-ci) voit de nombreuses voies s'ouvrir à lui.
Déjà, face à une copie de jugement dépourvue de mention executoire
signifiée par le greffe, puis par l'ex-salarié en RAR ou par voie
d'huissier, il peut tout simplement l'ignorer (et vous forcer ainsi à
aller faire apposer cette mention, recourir à un huissier de justice,
etc...). Parce que ce n'est pas un titre executoire. Au passage, ces
tentatives d'execution se faisant aux risques de celui qui fait executer,
l'huissier (les huissiers) vous facture(nt) ses (leurs) prestations
(goutte d'eau pour l'employeur, pas pour un ex-employé).
Plus vicieux, l'employeur peut (à la place ou en même temps) prendre lui
aussi la loi au pied de la lettre. Par exemple, si je me mets à la place
d'un RH tordu (pas trop difficile pour moi) ou de son avocat, et que je ne
trouve pas "la moyenne des trois derniers mois de salaire", applicable au
calcul de la somme soumise à execution provisoire, clairement indiquée
comme telle "dans le jugement", je vais contester votre calcul et arguer
que le 3°) de l'art R1454-28 du CdT est inapplicable en l'état.
Et en proie à une détresse morale due au harcèlement que vous me faites
subir via votre recours abusif à un huissier en réclamation de sommes
indues, je saisis alors (avant vous !) le juge de l'execution. Toute
action de votre huissier est alors suspendue.
Je capillotracte, mais ça fait partie du travail de juriste, et est-ce que
ça ne ressemble pas à ce que vous décrivez ?
Mes réflexions sont sous réserves, parce que je ne suis pas avocat, je les
fais sans filet (lire sans bouquins ouverts), et que le droit relatif aux
juges d'execution (rarement rencontrés dans ma carrière) n'est pas des
plus simples.
Lorsque nous allons arriver devant le juge de l'execution (après au moins
un report d'audience, que je vais demander le plus tard possible, et que
je vais sans aucun doute obtenir puisque je suis le demandeur initial), on
peut imaginer plusieurs scénarios :
Si on est dans le cas que j'imaginais en exemple, vous allez défendre
votre action, et demander à ce que le juge calcule lui même la moyenne des
salaires puis la somme concernée. L'avocat de l'employeur pourra toujours
arguer que le JEX n'est pas compétent, cela relevant de la compétence du
conseil de prud'hommes (cf "Code du Travail" R1454-28) qui n'a pas jugé
bon de le faire. Il prétendra que ça fait partie d'un jugement qui ne peut
être revu que dans le cadre de la procédure initiale, lors de l'appel.
Sans présumer, en imaginant que le JEX décide qu'il est compétent et fixe
la somme, l'avocat de l'employeur a encore une base valide pour faire
appel "de bonne foi" de la décision du JEX. Ca se fait devant la cour
d'appel (je vous laisse deviner les délais...), et, sur demande auprès de
cette cour d'appel, c'est suspensif de toute execution de la décision du
juge de l'execution...
Si, par contre, le calcul est présent d'une manière ou d'une autre dans le
jugement du CPH, le JEX peut sans contestation trancher et forcer le
paiement de la somme due, sous astreinte (attention, ça aussi, il faut
explicitement le demander). C'est dans ce cas que vous pouvez démontrer la
mauvaise foi de l'employeur et tenter d'obtenir des réparations
additionnelles à ce titre (si ce n'est pas de la compétence du JEX, plus
tard, lors de l'appel du jugement prud'homal).
Dans tous les cas (mais plus dur s'il a déjà fait preuve de sa mauvaise
foi), l'avocat de l'employeur peut également utiliser toute une batterie
d'outils, comme la demande d'un sursis à l'execution provisoire pour trois
brouettes de raisons financières, comptables et/ou juridiques déposées en
trois exemplaires au greffe...
Au final, vous aurez toujours gain de cause (et le plaisir de pouvoir
faire saisir les comptes et/ou meubles et immeubles de votre ex-
employeur), mais il y a de grandes chances que le jugement prud'homal en
appel ait été prononcé avant ça.
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Xavier Hugonet