Post by Philippe SteffIl est parfaitement prévisible que, un jour ou l'autre, pour une
raison quelconque (panne du camion, blocage des transports,
intempéries, grève chez le fournisseur, ...) les matières premières ne
puissent pas être livrées. le caractère imprévisible ne me semble donc
pas établi : on sait que çà arrivera, simplement, on ne sait pas
quand.
Juridiquement, à mon avis, on reste dans l'imprévisibilité caractérisant
la force majeure. Il suffit que ce soit imprévisible à l'instant où se
produit l'évenement. Que vous ne vous soyez pas préparé au maximum relève
de votre pouvoir de gestion, sur lequel le juge n'a pas droit de regard en
France (pour le moment, et pour longtemps vu qu'il découle de la
constitution). Les arrêts de cassation évoquent souvent des événements
"normalement imprévisibles" ou "raisonnablement imprévisibles". Les juges
suprèmes n'exigent pas à l'employeur de tout prévoir, et c'est relatif
notamment aux moyens de l'entreprise (comme pour l'obligation de
prévention). Quand "les chances de réalisation sont faibles" ou qu'il y a
"effet de surprise", l'imprévisibilité est retenue. Et croyez moi, quand
j'ai découvert un bloc de glace là ou j'avais garé ma voiture à Paris
alors que BFM ne m'avait parlé que de la Normandie pendant tout mon petit
déjeuner, il y a eu effet de surprise.
Je tire toute la construction jurisprudentielle de l'assemblée plenière de
la cour de cassation sur le sujet du 14 Avril 2006. C'est ancien, mais je
pense que l'avis des juges est inchangé.
Par contre, si vous ne vous êtes pas du tout préparé à un événement qui
survient régulièrement tous les hivers, c'est autre chose.
Post by Philippe Steffl'entrepreneur a choisi de travaillé à flux tendu après avoir fait ses
calculs de rentabilité. Il aurait pu décider d'avoir sur place des
stocks tampon qui l'auraient prémuni contre une non-livraison. C'est
son choix de gestion, qui n'est pas critiquable en soi.
Là encore, vous avez raison, c'est son pouvoir de gestion. Il a le droit
de mener son entreprise n'importe comment (et n'a peut etre pas d'autre
choix pour maintenir sa compétitivité que ce que vous évoquez). Ce qui
compte est l'événement à l'instant t (même source - assemblée pleinière).
Que l'employeur sache que ça aurait pu arriver et ne se soit pas préparé
ne modifie pas le fait que, sur le coup, il ne peut rien y faire. Donc
c'est irresistible.
Post by Philippe SteffMais qui doit
assumer les conséquences de ce choix ? L'employeur ou les salariés ?
Les salariés n'ont pas a assumer les conséquences. Le salarié qui ne peut
pas venir travailler à cause de la neige reste chez lui et n'est pas payé.
Mais si le salarié est renvoyé chez lui par le patron parce que
l'entreprise ne fonctionne pas, il DOIT être normalement rémunéré. Et
l'employeur peut alors récupérer les heures de travail perdues sur l'année
(cdt L3122-7 & R3122-5).
Celui qui est pénalisé, c'est le client. Car la force majeure suspend les
obligations contractuelles, et donc éventuelles indemnités de retards,
etc... (au hasard, Cass. Civ 3, 24.10.2012). L'employeur l'est aussi dans
le sens où il perd des jours de production, même si la force majeure lui
permet de limiter la casse.
Post by Philippe SteffIl n'y aurait alors ni imprévisibilité, ni irrésistibilité; nous
serions loin alors de la force majeure ...
Il me semble que, si un CPH était saisi, la solution adoptée pourrait
être différente selon la sensibilité des conseillers et la force de
conviction des conseils des parties.
Là dessus, vous avez raison, justement à cause de la sensibilité et
l'origine des conseillers. Mais en cour d'appel, la force majeure serait à
mon avis retenue. Il n'y a pas à avoir de prud'hommes, de toutes façons,
puisque le salarié qu'on force à rester chez lui doit être rémunéré
(c'est même réglé par certaines CCN).
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Xavier Hugonet